Poésie

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Rien n’est inscrit. Pourtant tout
EST. Mesuré sans mesure.
Les peuples, les âges et au dedans comme
au dehors,
sur une même ligne infracturable.
Tout reprendre en détail représenterait
un jeu ridicule.
Réimplanter le même dans le même
en connaissance de cause est notre
enchantement.
Très longs, très vastes, tous ces passés
jusqu’au silence avant la flamme.
Elle est vivace cette minute.
Je nous pilote allègrement.
Les fleurs blanchissent l’aurore naissante.

La forêt s’est enfuie. Les artistes que j’aimais
ont quitté notre route et se sont pendus à de
hautes charrettes qui passaient.
Un vent chaud me portait mais j’avais mal au
cœur et je pensais à toute cette synchronisation de
débris mémoriaux que je n’avais pas fini
d’établir et qui m’encerclait,
masquée de grimaces et d’injures.
Je ne cherchais pas une méthode.
Je ne poursuivais pas
un outil réducteur ou amplificateur. Au cœur du
noyau informel des temps, j’espérais
trouver les liens nécessaires aux desseins que
je m’étais fixés.
Chaque pays dans cette aire. Chaque époque. Chaque
société. Distincts, distants, et à la fois mêlés.

J’avais toujours eu du mal à laisser en chemin ne fut-ce
qu’une formule banale ou le mouvement d’humeur
d’un moujik quittant son isba.
Et ces légendes, ces mythes, les refus de ces mythes, ce
qui change, se divise, ne change pas…
Le tout dans rien. Le rien dans tout. Le lointain et
ses tombes dans une direction plus centrale.
Un vent chaud me portait.

Que de mouettes endormies s’approchent.
Près de nous, sur une berge, le lancer tenace
d’un pêcheur ramène des bouts de siècles,
des morceaux d’indistinct.
Des absents nous provoquent,
peu convainquants.
Je rêve du temps où chaque minute était
un sentiment nerveux, une dérive
étreignante.
Destin orphelin des êtres,
es-tu anonyme ?

Les collines, les vergers se fondent.
Les nuages et les mers se mêlent,
se haillonnent.
Le vent attise l’informel.
Tout est distrait, sensible,
l’herbe colle au sommeil fragile.
Le 9 juillet au soir descendant des ruines,
un arbre m’a pris sur ses épaules.
Ma chemise blanche n’a pas vieilli.
La boutique du Djerbien serviable est assise
sous l’eucalyptus.

                                                      (Asymptote de lumière)